L'interprétation des textes législatifs et réglementaires
L’interprétation des textes juridiques est une activité quotidienne pour le juriste. Pourtant, le phénomène demeure difficile à cerner et à définir. Plusieurs conceptions de l’interprétation juridique coexistent. Certains y voient la recherche d’une signification totalement préexistante alors que d’autres considèrent que le sens des textes juridiques est entièrement créé à travers le processus d’interprétation. Plusieurs théories de l’interprétation juridique se situent entre ces deux extrêmes.
L’interprétation des textes législatifs et réglementaires de même que celle des contrats mobilisent une panoplie de procédés différents mais complémentaires : les méthodes, les principes, les règles et les présomptions d’interprétation ainsi que les arguments logiques. Il est fréquent que l'interprète ait recours à plus d'un procédé pour interpréter une même disposition législative, réglementaire ou contractuelle.
Le tableau suivant et les capsules d’information qui lui sont associées présentent une brève description des procédés d’interprétation les plus couramment utilisés en droit.
LES MÉTHODES D'INTERPRÉTATION
Une « méthode » d’interprétation est une conception générale du travail d’interprétation des lois. Les principes, les règles et les présomptions d’interprétation peuvent tous être associés à une méthode ou une autre.
Les différentes méthodes d’interprétation témoignent des multiples conceptions intellectuelles de l'interprétation juridique. Certaines méthodes mettent l'accent sur le texte de la loi interprétée alors que d'autres insistent davantage sur son objet ou le contexte.
Les principales méthodes d’interprétation des lois sont :
- la méthode littérale ou grammaticale;
- la méthode systématique;
- la méthode psychologique ou historique;
- la méthode téléologique;
- la méthode contextuelle;
- la méthode pragmatique.
LES PRINCIPES D'INTERPRÉTATION
La catégorie des « principes » d’interprétation regroupe des procédés d’interprétation qui se situent sur un plan plus pratique que les méthodes et qui revêtent une force contraignante plus grande. Issus de la jurisprudence, parfois consacrés par la loi, les principes d’interprétation sont pluriels et parfois contradictoires.
Les principes classiques de l’interprétation des lois sont :
- le principe du sens clair (Literal Rule);
- la « règle d’or » (Golden Rule);
- le principe de l’interprétation selon le but de la loi (Mischief Rule).
Dans son ouvrage Construction of Statutes, dont la seconde édition a été publiée en 1983, le professeur Elmer A. Driedger a proposé une synthèse de ces principes classiques : « Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur. » À maintes reprises, la Cour suprême du Canada a affirmé que le « principe moderne de Driedger » constitue la façon adéquate d'interpréter les lois, quels que soient leur nature et leur domaine d’application.
LES RÈGLES D'INTERPRÉTATION
La troisième catégorie de procédés d’interprétation regroupe les « règles » d’interprétation. Les règles sont plus précises que les méthodes et les principes et ont, du moins en théorie, une force contraignante plus grande que les présomptions d'interprétation.
Les règles d’interprétation sont nombreuses. En voici une liste non exhaustive :
- la règle de l’interprétation libérale des textes attributifs de droit;
- la règle de l’interprétation restrictive des textes privatifs de droit;
- la règle de l’unité du texte;
- la règle de l’harmonisation avec les lois connexes;
- la règle de la primauté du texte spécial;
- la règle de la primauté du texte postérieur;
- la règle ejusdem generis (la règle relative aux choses du même genre);
- les règles relatives à l’historique de la législation;
- les règles relatives aux travaux préparatoires.
LES PRÉSOMPTIONS D'INTERPRÉTATION
La catégorie des « présomptions » d’interprétation regroupe des règles précises quant à leur objet, mais auxquelles n'est attribuée qu’une valeur relative.
Les présomptions d’interprétation les plus couramment invoquées sont :
- la présomption de rationalité du législateur;
- la présomption du sens courant des mots;
- la présomption de conformité au droit international et aux traités;
- la présomption de conformité à la Constitution et aux lois fondamentales;
- la présomption de conformité au droit commun;
- la présomption de modification du droit antérieur;
- la présomption de l’effet utile.
LES ARGUMENTS LOGIQUES
Les arguments logiques ne sont pas des procédés d'interprétation à proprement parler, mais ils sont couramment utilisés dans le raisonnement judiciaire et servent parfois à l'interprétation des lois.
Les arguments logiques les plus souvent utilisés dans l'interprétation des lois sont :
- le raisonnement a contrario (dans le cas contraire);
- le raisonnement a fortiori (à plus forte raison);
- le raisonnement a pari (par analogie).
LES PROCÉDÉS D'INTERPRÉTATION SPÉCIFIQUES À CERTAINS TYPES DE LOIS
Le choix de recourir à un procédé d'interprétation ou un autre dépend de la nature de la loi interprétée et de son domaine d'application.
Voici certaines particularités concernant :
- l'interprétation constitutionnelle;
- l'interprétation d'un code civil;
- l'interprétation des lois fiscales;
- l'interprétation des lois bilingues;
- l'interprétation des lois bijuridiques.
Cette classification des procédés d’interprétation des lois est largement inspirée des travaux du professeur Pierre Issalys. La Chaire de rédaction juridique Louis-Philippe-Pigeon remercie Mmes Catheryne Bélanger, Marianne Perreault, Audrey Thibodeau-Laprise et Andréanne Bédard qui, à titre d’auxiliaires de recherche, ont contribué à la conception des capsules sur les procédés d’interprétation.