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Conférence de la professeure Catherine Valcke

17 février 2020
Par: 
Michelle Cumyn

Les juristes sont généralement curieux de connaître les solutions juridiques retenues dans d’autres pays. Nous pratiquons tous le droit comparé, occasionnellement pour certains, fréquemment pour d’autres. Quelle est l’utilité de la recherche comparative? À quelles conditions est-elle valide et quelles conclusions pouvons-nous en tirer?

Le vendredi 7 février 2020, en pleine tempête de neige, la professeure Catherine Valcke de la faculté de droit de l’Université de Toronto a présenté son ouvrage Comparing Law à une quarantaine de professeurs et étudiants aux cycles supérieurs de la faculté de droit de l’Université Laval. L’activité a été organisée par la Chaire de rédaction juridique Louis-Philippe-Pigeon en collaboration avec le professeur Dominique Goubau.

Dans le prologue de son ouvrage, la professeure Valcke observe le fossé qui sépare la pratique du droit comparé (« ceux qui le font ») et la théorie du droit comparé (« ceux qui en parlent ») (p 7). Dans sa présentation, elle a expliqué vouloir soutenir la pratique traditionnelle du droit comparé qui fait face à une marée de critiques d’ordre principalement théorique. Son ouvrage a pour objet de rendre explicites les présupposés de la recherche comparative tout en validant celle-ci. L’auteure espère outiller les comparatistes pour qu’ils parviennent mieux à articuler leurs méthodes et à les justifier.

Selon la professeure Valcke, les comparatistes envisagent le droit comme une pratique réflexive faisant l’objet d’un engagement collectif qui présente les six caractéristiques suivantes : 1) l’effectivité; 2) la possibilité d’argumenter; 3) la cohérence interne; 4) le caractère public; 5) la formalité; et 6) la normativité. Ces caractéristiques sont des aspirations : elles sont plus ou moins présentes dans les ordres juridiques étudiés. La justice n’en fait pas partie, car aucune dimension substantielle n’est nécessaire à la comparaison.

La comparaison n’est possible et utile que si les ordres juridiques présentent à la fois des similitudes et des différences. Il est nécessaire de les appréhender dans leur contexte culturel, institutionnel, historique et social, en les observant à la fois de l’intérieur et de l’extérieur. Il faut parvenir à les individualiser, ce qui n’est pas facile lorsque plusieurs ordres juridiques s’imbriquent et cohabitent au sein d’un espace donné. Ce sont les tribunaux qui constituent le point focal de chaque ordre juridique et qui permettent de l’identifier, tel un essaim d’abeilles qui entoure sa reine.

Au terme de son analyse des conditions qui rendent possible le droit comparé, la professeure Valcke parvient à une conclusion saisissante : seuls les systèmes juridiques nationaux peuvent être des objets de droit comparé. Les ordres juridiques supra- et infranationaux ne présentent pas les caractéristiques voulues. Or, ce sont justement les ordres juridiques nationaux qui ont été retenus le plus souvent par le droit comparé traditionnel.

La professeure Valcke esquisse une méthodologie générale qui procède en trois étapes. Dans une première étape, le chercheur ou la chercheuse rassemble les matériaux nécessaires à l’étude et détermine le point d’ancrage de la comparaison (tertium comparationis). Ce point d’ancrage doit être extérieur aux ordres juridiques étudiés et présent dans la réalité sociale. Il peut s’agir, par exemple, d’une entité, d’une situation ou d’un problème. La deuxième étape consiste à rendre compte de la manière dont chaque ordre juridique traite de l’objet en question. La troisième étape est celle de la comparaison.

En terminant, la professeure Valcke souligne que le but immédiat du droit comparé est toujours de comprendre chaque ordre juridique tel qu’il se comprend lui-même et même, à certains égards, mieux qu’il ne se comprend lui-même. Le droit comparé n’a pas pour objet d’harmoniser les droits ni de promouvoir leur différenciation culturelle. De tels projets ont besoin du droit comparé, mais l’inverse n’est pas vrai.

À notre avis, la proposition de la professeure Valcke débouche sur une conception plutôt restrictive du droit comparé. D’une part, il ne serait pas possible de comparer le traitement d’un objet juridique comme le contrat sans l’ancrer d’abord dans la réalité concrète. D’autre part, on ne pourrait pas comparer un aspect du droit national avec un aspect du droit international ou d’un ordre juridique privé. Plus exactement, de telles entreprises ne seraient pas du droit comparé, mais relèveraient plutôt d’une autre discipline. Ces entreprises sont écartées pour de bonnes raisons qui méritent réflexion, tandis que celles qui demeurent associées au droit comparé s’appuient dorénavant sur des bases beaucoup plus solides.

Référence :

        Valcke, Catherine. Comparing Law : Comparative Law as Reconstruction of Collective Commitments, Cambridge University Press, 2018. Pour commander : <https://www.cambridge.org/ca/academic/subjects/law/comparative-law/comparing-law-comparative-law-reconstruction-collective-commitments?format=PB>.

L’ouvrage est disponible à la Bibliothèque de l’Université Laval en format numérique.

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