par Béatrice Galibois et Anouk Paillet
À l’occasion de la publication récente de l’ouvrage L’État, hier, aujourd’hui et demain. Études en l’honneur du professeur Pierre Issalys, dirigé par les professeures Monica Popescu et Mélanie Samson, la Chaire inaugure une série de séminaires visant à offrir aux auteurs et autrices ayant collaboré à la réalisation de l’ouvrage l’occasion de présenter leurs travaux et d’en discuter avec chercheurs invités et membres de la communauté universitaire.
Une première rencontre s’est tenue le 20 septembre 2024 autour de l’article « La vie de la loi et son effectivité: le rôle de la recherche-action », coécrit par Mônica Sette Lopes, Fabiana de Menezes Soares et Camila Silva Nicácio, professeures à la Faculté de droit de l’Université fédérale de Minas Gerais, en présence des deux dernières autrices et de la professeure Louise Langevin, à titre de conférencières.
Dans une société de plus en plus complexe, un enjeu se pose quant à l’adoption de politiques publiques permettant de répondre efficacement aux problèmes sociétaux. Les conférencières s’intéressent à la recherche-action, en considérant que cette méthode peut apporter « une réponse aux difficultés inhérentes au processus de connaissance et d’application des normes juridiques ». À leur avis, pour atteindre un objectif d’efficacité législative, la formation de la loi doit dépasser l’aspect institutionnel pour rejoindre divers processus sociaux. Pour favoriser cette effectivité, l’élaboration de la loi doit nécessairement comprendre un processus participatif impliquant des pratiques de communication avec les acteurs sociaux.
La recherche-action se définit comme étant une « méthodologie innovatrice de la recherche empirique ». Comme son nom l’indique, cette méthodologie combine la recherche et l’action. Le volet recherche comprend un dialogue entre les chercheurs et les acteurs sociaux dans le but de trouver des solutions aux problèmes visés. La population ciblée est ainsi un agent de la recherche. Le volet action, quant à lui, se traduit en une application effective des solutions trouvées dans le cadre de la recherche et en une évaluation de leur efficacité. La recherche-action permet ainsi de mettre en relation l’intervention de la loi avec les attentes et les besoins de la communauté. Ce type de recherche implique l’engagement de temps et de ressources, comme le relève la professeure Louise Langevin. Ce sont des projets longs à mener mais ô combien nécessaires pour que les mesures législatives soient adaptées à la réalité des besoins sociaux.
À titre illustratif, la professeure Camila Silva Nicácio a évoqué le programme intitulé Polos de Cidadania (« Pôles de citoyenneté »), utilisé notamment auprès des sans-abris dans la ville de Belo Horizonte. Ce programme vise à rechercher et proposer des solutions concrètes en mobilisant ce segment de la population qui se trouve être complètement invisibilisé. La mise en relation des décideurs avec les personnes concernées permet de mieux comprendre les difficultés vécues par ces personnes sans logement, afin de mettre en place des solutions adaptées à celles-ci.
La professeure Fabiana de Menezes Soares a également présenté un modèle de formation juridique intitulé LegisLab, actuellement proposé à l’Université fédérale de Minas Gerais. Il s’agit d’une expérience d’apprentissage pratique et délibératif offerte aux étudiants de plusieurs disciplines, au-delà de la seule communauté de futurs juristes, qui se concentre sur le développement de solutions en réponse à des enjeux concrets de la législation brésilienne. En plus de servir d’outil d’apprentissage expérientiel, cette formation clinique est bénéfique pour la société dans son ensemble. Elle mène notamment à la création d’un répertoire d’idées de réformes législatives, tout en mettant en lumière les valeurs de la démocratie et de l’État de droit.
En somme, les conférencières soulignent que la recherche-action tend à jouer un rôle tout particulier dans l’identification tant des problématiques en quête de solutions que des correctifs à y apporter et offre l’avantage d’accroitre la légitimé et l’efficacité du processus législatif.
Mônica Sette Lopes, Fabiana de Menezes Soares et Camila Silva Nicácio, « La vie de la loi et son effectivité : le rôle de la recherche-action », dans Monica Popescu et Mélanie Samson (dir.), L’État, hier, aujourd’hui et demain. Études en l’honneur du professeur Pierre Issalys, Québec, Éditions Yvon Blais, 2024, p. 259.
