Par: Mélanie Samson
Le sens dépend toujours du contexte. En matière d’interprétation juridique, tant les tribunaux que la doctrine reconnaissent que le sens d’une loi est lié au contexte dans lequel elle a été adoptée, mais aussi au contexte dans lequel elle trouve son application. Selon la méthode contextuelle « moderne » développée par la Cour suprême du Canada, il importe de situer la loi dans ses contextes linguistique, social, politique, philosophique et historique puisqu’« une liberté ou un droit particuliers peuvent avoir une valeur différente selon le contexte » ou, autrement dit, « des significations différentes dans des contextes différents » (Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général), [1989] 2 R.C.S. 1326).
Lors d’un atelier organisé le 2 mars 2017 par la Chaire de rédaction juridique Louis-Philippe-Pigeon, l’honorable Claire L’Heureux-Dubé, l’honorable Louis LeBel ainsi que les professeurs Stéphane Bernatchez et Mathieu Devinat ont présenté leurs observations sur l’évolution de la méthode d’interprétation contextuelle des lois, particulièrement dans le domaine du droit à l’égalité et du droit du travail. Les participants ont pu échanger avec eux concernant des enjeux qu’elle soulève en pratique et dans la doctrine, dans un contexte social, politique et juridique marqué par des inégalités persistantes, des conflits de travail nombreux et une situation économique difficile.
Les discussions ont porté sur la définition même de cette méthode d’interprétation. Qu’est-ce que le « contexte » ? Sur le plan théorique, la méthode contextuelle est-elle vraiment une « méthode » ? D’autres questions se posent en matière de preuve. À qui appartient-il de situer le litige dans son contexte social ? Que faire si la preuve est silencieuse à ce sujet ? Le contexte social relève-t-il de la connaissance d’office ?
D’une part, le juge ne saurait s’improviser historien, sociologue ou philosophe. D’autre part, le contexte social ne saurait se résumer à l’opinion publique. La méthode d’interprétation contextuelle implique que les parties à un litige – et leurs représentants – participent à la mise en contexte de la loi. Vu l’importance accrue accordée au contexte social dans l’interprétation des lois, peut-être faudrait-il que la méthodologie du droit approfondisse la question, et que les fruits de cette réflexion soit intégrée à la formation des juristes ?