Atelier sur le Code civil

Par: Amélie Quoibion et Mélanie Samson

Le 17 mai 2019, plus de 50 personnes ont participé au premier d’une série d’ateliers portant sur « Le Code civil du Québec en (inter)action », organisée à l’occasion du 25e anniversaire du Code civil. Sur le thème de l’interaction du Code civil avec les normes éthiques et déontologiques applicables en matière de consentement aux soins, ce premier atelier a donné lieu à un riche échange entre la professeure Audrey Ferron Parayre de la Section de droit civil de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa et la professeure émérite Édith Deleury de la Faculté de droit de l’Université Laval.

Dans sa conférence intitulée « L’obligation d’information et le consentement aux soins: perspectives civile et déontologique », la professeure Ferron Parayre a résumé sa thèse de doctorat portant sur l'adéquation entre le consentement aux soins tel qu’il est prescrit par le droit et les pratiques cliniques. Une discussion s’est ensuite engagée entre elle et la professeure Deleury au sujet de la méthodologie de sa thèse, de ses résultats de recherche et des pratiques à revoir pour un consentement aux soins véritablement éclairé.

La thèse de la professeure Ferron Parayre visait à répondre à la question suivante : dans quelle mesure la norme juridique du consentement éclairé aux soins est-elle effective ? Pour répondre à cette question, Mme Ferron Parayre a procédé à une revue de la littérature scientifique relative à la communication entre patient et médecin et a mené une recherche empirique auprès de patients qui allaient subir une chirurgie de remplacement de la hanche ou du genou. Son étude par questionnaire a révélé que 45 % des patients interrogés n’avaient pas donné un consentement éclairé à leur chirurgie.

Le Code civil du Québec protège le droit à l’intégrité et prévoit qu’un consentement libre et éclairé est nécessaire pour qu’une atteinte à ce droit soit légitime. Il en découle pour le médecin une obligation d’information dont les contours ont été définis par la jurisprudence. Pour que le patient consente de manière éclairée à des soins, le médecin doit nommer le diagnostic, préciser la nature du soin requis et les risques qui lui sont associés, présenter les alternatives thérapeutiques et s’assurer de la bonne compréhension du patient.

Le Code de déontologie des médecins leur impose aussi une obligation d’information visant à ce que le patient donne un consentement éclairé aux soins (art. 28). Le médecin doit s’assurer que le patient ait reçu les explications pertinentes à sa compréhension de la nature, du but et des conséquences possibles de l’examen ou du traitement médical (art. 29).

La faible effectivité de la norme juridique du consentement éclairé aux soins peut être liée à l’insuffisance des sanctions qui lui sont associées. Quoique fréquents, les manquements à l’obligation d’information ne donnent que rarement lieu à l’imposition de sanctions déontologiques et civiles.  

Pour qu’un manquement à l’obligation d’information du médecin donne lieu à réparation, il doit constituer une faute et avoir entraîné un préjudice. Le critère d’appréciation de la faute est basé sur le comportement d’un médecin « prudent, compétent et diligent ». La principale difficulté pour la personne qui estime avoir été victime d’un manquement à l’obligation d’information du médecin consiste à faire la preuve d’un lien de causalité entre la faute reprochée au professionnel de la santé et le préjudice qu’elle a subi. Les tribunaux exigent qu’il soit démontré que le patient aurait refusé les soins s’il en avait connu tous les risques et les conséquences potentielles. Un fardeau de preuve aussi exigeant est difficile à satisfaire. Mme Ferron Parayre suggère qu’une réparation puisse être accordée pour le préjudice moral et psychologique autonome qui découle du seul fait que l’information à laquelle le patient avait droit ne lui a pas été transmise.

La professeure Ferron Parayre a analysé l’ensemble des décisions rendues par le Conseil de discipline du Collège des médecins (Conseil) entre 2002 et 2018 à la suite d’une plainte fondée sur les articles 28 et 29 du Code de déontologie des médecins. Parmi les 13 décisions recensées, une seule porte sur le consentement aux soins : Médecins (Ordre professionnel des) c. Bissonnette, 2016 CanLII 89824 (QC CDCM). Dans cette décision, le Conseil ne retient pas la responsabilité du médecin au motif que le traitement subi par la patiente, sans son consentement, était médicalement approprié et parce que le médecin n’était préoccupé que par le bien-être de la patiente. La professeure Ferron Parayre se demande en quoi la bonne foi ou l’opportunité thérapeutique peuvent justifier un manquement à l’obligation d’information du médecin et le défaut d’obtenir un consentement éclairé.

L’exposé de la professeure Ferron Parayre a été suivi d’une période d’échange avec la professeure Édith Deleury, invitée à agir comme répondante. Toutes deux ont convenu qu’il serait approprié de revoir la formation des médecins afin qu’ils soient davantage sensibilisés à l’importance d’obtenir un consentement éclairé de la part de leurs patients.

Cette activité a été organisée par la Chaire de rédaction juridique Louis-Philippe-Pigeon et le groupe québécois de l’Association Henri Capitant avec la collaboration de la Chaire Jean-Louis-Baudouin en droit civil et du Groupe de réflexion en droit privé. Pour entendre la conférence et visionner la présentation PowerPoint de la professeure Audrey Ferron Parayre, cliquez ici.

Références utiles :

Code civil du Québec, LQ 1991, c 64.

Code de déontologie des médecinsRLRQ c M-9, r 17.

Médecins (Ordre professionnel des) Bissonnette, 2016 CanLII 89824 (QC CDCM).

Audrey Ferron Parayre, Donner son consentement éclairé à un soin : réalité ou fiction? Exploration de l’effectivité du consentement éclairé aux soins, thèse de doctorat, Université de Montréal, 2018.

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